Génotypage du RhD chez les patientes enceintes

Credits
Président du CCN
Alan Tinmouth, MD, FRCPC, MSc
Membres du sous-comité
Katerina Pavenski, MD, Subcommittee Chair
Aditi Khandelwal, MD
Gwen Clarke, MD
Debra Lane, MD
Représentant du ministère provincial
Thomas Smith (ON)
Coordonnatrice du CCN
Harleen Kahlon
Date of Original Release
Date of Last Revision:
Publication Date

List of Abbreviations

RHD

Gène Rhésus

IgRh

Immunoglobuline anti-RhD

MHFN

Maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né

RhD

Système Rhésus, antigène D

AABB

American Association of Blood Banks

Summary of Revisions

Revision Date

Details

  1. Création de sections pour améliorer l’organisation du document : introduction, situation actuelle et recommandations
  2. Mise à jour de l’information contextuelle et ajout d’information, notamment sur l’état actuel concernant les tests RhD pour les patientes ayant un phénotype D faible au Canada
  3. Ajout d’une recommandation concernant l’administration d’IgRh en contexte périnatal et la transfusion de composants sanguins RhD négatif aux patientes enceintes ayant un phénotype RhD négatif ou un variant RhD autre qu’un antigène D faible de type 1, 2 et 3.

 

1.0
INTRODUCTION

Les personnes RhD négatif exposées à l’antigène RhD ont un risque supérieur à 30 % de développer une allo-immunisation contre l’antigène RhD [1, 2]. Le développement d’anticorps anti-D peut entraîner des complications, notamment une réaction hémolytique transfusionnelle aiguë ou retardée, et contribuer à la survenue d’une forme grave de la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né (MHFN).

La prévalence de l’expression du RhD varie selon l’ethnicité. Le phénotype RhD négatif est observé chez 18 % des personnes de race blanche, 7,3 % des Africains et 2 % des Asiatiques. Chez les personnes RhD négatif, l’antigène RhD ne s’exprime pas à la surface des globules rouges; soit elles sont totalement dépourvues du gène RHD, soit elles ont une altération du gène RHD qui fait qu’il n’y a pas d’expression de l’antigène (antigène D absent).

Un petit sous-ensemble de la population présente un variant de l’antigène RhD (appelé phénotype D partiel et phénotype D faible). On estime que 0,2 % à 1 % des personnes d’origine caucasienne présentent un phénotype D variant [3]. Les variants D sont plus fréquents chez les personnes d’origine africaine. Chez les patientes ayant des antigènes D partiels ou faibles, les réactions aux tests sérologiques habituels peuvent être faibles ou les résultats du typage RhD peuvent varier selon les différents réactifs utilisés ou la méthode de dépistage employée au laboratoire.

Il est important d’identifier les personnes qui présentent un variant D, car tous les sous-types de variants D partiels et certains sous-types de variants D faibles posent un risque d’allo-immunisation pour celles qui seraient exposées à un antigène RhD de type sauvage (présent chez la plupart des personnes RhD positif). Un antigène D faible de type 1, 2, 3 ou 4 est identifié chez 61 % des personnes ayant un variant D par suite d’un génotypage RHD, avec une prévalence globale de 0,4 % de l’antigène D faible chez les femmes enceintes [5]. Les personnes ayant un antigène D faible de type 1, 2 ou 3 ne présentent pas de risque de développer des anti-D. Par conséquent, elles peuvent être prises en charge en toute sécurité comme si elles étaient RhD positif; autrement dit, elles peuvent recevoir des transfusions de culots globulaires RhD positif et elles n’ont pas besoin d’IgRh en contexte périnatal. En revanche, les personnes présentant la plupart des autres types d’antigènes D faibles et celles ayant des antigènes D partiels sont susceptibles de développer une allo-immunisation. Elles doivent être traitées comme des personnes RhD négatif et recevoir uniquement des globules rouges RhD négatif et des IgRh en contexte périnatal. L’opinion des experts varie en ce qui a trait à la prise en charge des femmes enceintes présentant un phénotype D faible de type 4.0. Jusqu’à ce que l’on dispose de données supplémentaires, l’approche la plus prudente consiste à fournir à ces personnes un traitement préventif par IgRh pendant la grossesse et des culots globulaires RhD négatif en cas de transfusions [4]. Malheureusement, les tests sérologiques habituels ne permettent pas de différencier les patients présentant un phénotype D faible de type 1, 2 et 3 des autres variants D. Il faut donc effectuer un génotypage du RHD afin d’établir le risque d’allo-immunisation et la nécessité d’un traitement prophylactique par IgRh.

En 2015, le College of American Pathology et l’AABB ont publié une déclaration commune recommandant le génotypage RHD pour les femmes enceintes et les femmes susceptibles de procréer chez qui on a identifié un phénotype D faible aux États-Unis [3].

Nous proposons une approche normalisée pour la détermination du groupe sanguin RhD chez les femmes enceintes dans le but de réduire les risques d’allo-immunisation par l’anti-D ainsi que l’utilisation inappropriée des IgRh et des composants sanguins RhD négatif.

2.0
SITUATION ACTUELLE AU CANADA

Actuellement, au Canada, il n’existe pas de norme nationale sur les tests supplémentaires et la prise en charge des patientes qui présentent un phénotype D faible selon les résultats de tests prétransfusionnels ou prénataux. Quelques provinces ont toutefois élaboré des documents d’orientation (par exemple, la Colombie-Britannique et le Québec) [8, 9]. Selon la politique de chaque établissement, ces patientes pourraient être considérées comme étant RhD positif, RhD négatif ou RhD indéterminé. Si une patiente ayant un phénotype D partiel est erronément identifiée comme étant RhD positif, elle pourrait recevoir une transfusion de globules rouges RhD positif et ne pas se voir offrir le traitement préventif par IgRh en contexte périnatal, ce qui pourrait conduire à une allo-immunisation et à la survenue de la MHFN. D’un autre côté, une patiente ayant un phénotype D faible de type 1, 2, ou 3 pourrait être erronément identifiée comme étant RhD négatif et recevoir inutilement des IgRh en contexte périnatal. Une telle pratique conduit également à une utilisation inutile de globules rouges RhD négatif alors qu’il aurait été possible de transfuser des globules rouges RhD positif en toute sécurité. Au Canada, si toutes les femmes enceintes qui ont un variant D faible étaient identifiées et faisaient l’objet d’un génotypage RHD, quelque 900 femmes enceintes actuellement considérées RhD négatif pourraient être prises en charge en tant que patientes RhD positif, ce qui éviterait 1 800 injections d’IgRh chaque année [5, 6].

Le génotypage RHD est offert par la Société canadienne du sang aux femmes enceintes qui ont obtenu des résultats contradictoires, faibles ou non concluants aux tests sérologiques de RhD lorsque les résultats peuvent avoir une incidence sur la prise en charge. Le génotypage des globules rouges peut aussi être proposé par d’autres laboratoires locaux qualifiés et accrédités. Selon les meilleures pratiques, le rapport sur le génotypage doit inclure l’interprétation des résultats et des recommandations quant à la pertinence d’administrer des IgRh et au groupe RhD assigné pour la transfusion de globules rouges. Selon le lieu, la décision d’effectuer un génotypage est déterminée par la politique de l’établissement à cet effet. Un sondage récent mené au Canada [7] indique que la plupart des laboratoires canadiens acheminent les échantillons des femmes enceintes pour un génotypage RHD lorsque la présence d’un variant D est soupçonnée. Cependant, environ 20 % des établissements déclarent qu’ils n’obtiennent pas de résultats de génotypage dans ce contexte.

3.0
RECOMMENDATIONS

Afin de garantir des soins sûrs et appropriés aux femmes enceintes dont les tests sérologiques révèlent un phénotype D variant et afin d’uniformiser les soins dans l’ensemble du Canada, nous recommandons ce qui suit :

  1. Les femmes enceintes dont les résultats des tests sérologiques visant à déterminer le RhD sont contradictoires, faibles ou non concluants doivent se soumettre à un génotypage RHD afin de déterminer la pertinence de l’administration d’IgRh et le RhD optimal des globules rouges à transfuser.

Il est peu probable que cette pratique entraîne une augmentation importante des coûts liés aux tests RHD pour les provinces. Certaines d’entre elles l’ont déjà adoptée, et les données du sondage montrent que 80 % des établissements effectuent actuellement ces analyses [7]. De plus, les femmes enceintes qui ont un phénotype D variant sont rares (0,4 %) [5]. Étant donné que la majorité des patientes présentant un phénotype D variant ont un antigène D faible de type 1, 2 ou 3 et peuvent être considérées comme étant Rh positif, toute augmentation des coûts liés aux tests sera probablement compensée par les économies réalisées en évitant d’administrer inutilement des IgRh.

  1. Les femmes enceintes dont les tests révèlent un RhD négatif ou un variant D autre qu’un antigène D faible de type 1, 2 ou 3 doivent être considérées comme des candidates à l’administration d’IgRh en contexte périnatal et recevoir des composants sanguins RhD négatif en cas de besoin.

Les personnes ayant un antigène D faible de type 1, 2 ou 3 ne courent pas de risque de produire des anti-D. Elles peuvent donc être considérées comme ayant un rhésus positif, c’est-à-dire qu’elles peuvent recevoir des globules rouges RhD positif et n’ont pas besoin d’IgRh en contexte périnatal.

 

References

  1. Frohn C, Dümbgen L, Brand JM et al. Probability of anti-D development in D- patients receiving D+ RBCs. Transfusion 2003 Jul; 43(7):893-8.
  2. Evers D, Middelburg RA, de Haas M et al. Red-blood-cell alloimmunisation in relation to antigens’ exposure and their immunogenicity: a cohort study. Lancet 2016; 3: e284- e292.
  3. Sandler SG, Flegel WA, Westhoff CM et al. It’s time to phase in RHD genotyping for patients with a serologic weak D phenotype. College of American Pathologists Transfusion Medicine Resource Committee Work Group. Transfusion 2015 Mar; 55(3):680-9.
  4. Bodnar, M. CMAJ e-letter published 06 April 2021 in response to: Flagel WA. Modern Rhesus (Rh) typing in transfusion and pregnancy. CMAJ. 2021; 193 (4): E124. doi: 10.1503/cmaj.201212. Consulté le 4 mai 2021 à l’adresse https://www.cmaj.ca/content/193/4/E124/tab-e-letters#re-modern-rhesus-rh-typing- in-transfusion-and-pregnancy
  5. Clarke G, Hannon J, Berardi P et al. Resolving variable maternal D typing using serology and genotyping in selected prenatal patients. Transfusion 2016; 56:2980-2985.
  6. Statistique Canada. Naissances vivantes, selon l’âge de la mère, tableau 13-10-0416-01. Dernière modification : 2021-05-03. Consulté le 3 mai 2021 à l’adresse https://doi.org/10.25318/1310041601-fra
  7. Réseau canadien de transfusion obstétricale et pédiatrique (RCTOP). Sondage : pratique canadienne – Tests périnataux et administration de RhIg. Consulté le 1er mars 2021 à l’adresse https://www.transfusion.ca/getmedia/8d693205-ce6c-4703-a706-bd50394c094b/Rapport-du-sondage-RCMTOP-2019-FR.pdf.aspx.
  8. BC Provincial Blood Coordinating Office. Red Blood Cells. Dernière modification : 2018-06-01. Consulté le 19 mai 2022 à l’adresse https://www.pbco.ca/index.php/blood-products/red- blood-cells.
  9. Gouvernement du Québec. Recommandations pour la détermination du groupe sanguin RhD. Dernière modification : juin 2020. Rapport confidentiel fourni par la Dre Nancy Robitaille.